Olivier Dacourt, le tacleur gentleman
« Après ça, je n’ai plus jamais mangé un grec, plus jamais. Quand j’en vois un, j’ai envie de vomir. » Olivier Dacourt, à propos de la désillusion de l’élimination contre la Grèce en quart de finale de l’Euro 2004.
Né le 25 septembre 1974 à Montreuil en Seine-Saint-Denis, Olivier Dacourt est l’un des milieux défensifs français les plus talentueux de sa génération. Joueur complet et de caractère, il s’est imposé partout où il est passé, de la France à l’Italie en passant par l’Angleterre. International durant l’époque dorée des Bleus du début des années 2000, il est devenu après sa carrière un réalisateur de documentaires à succès.
De l’enfance à l’adolescence, la passion du foot à l’épreuve de l’adversité du centre de formation
D’où vient l’amour du football pour Olivier Dacourt ? Celui-ci le concède, il n’en a « aucune idée ». En fait, celui qui est alors fan de Maradona, Guardiola et Paul Ince « n’avait pas grand chose à faire à part jouer au foot ».
À la base, il joue attaquant gauche puis numéro 10. Ce n’est qu’à ses débuts professionnels à Strasbourg qu’il sera replacé milieu défensif. Le jeune parisien intègre le centre de formation alsacien à 13 ans, inscrit en parallèle en sport-études. Cette expérience s’avère très difficile, avec beaucoup d’adversité et sans aucune certitude de pouvoir devenir professionnel. Le centre de formation, il le dit lui-même « c’est Koh Lanta, il n’y a pas de copains là-bas ».
Le pas décisif que Dacourt réalise vers le monde professionnel tient presque du hasard. Ou du destin. Avec les jeunes Strasbourgeois de son âge, il a du mal à tirer son épingle du jeu. Il accompagne alors un ami de presque 2 ans de plus que lui, stagiaire aussi au RCS, pour son match. On l’autorise à se placer sur le banc, pour faire le nombre en cas de blessure… et doit justement entrer en fin de partie. Face à des joueurs de 2-3 ans de plus, « je rentre 5 minutes et, en 5 minutes, je fais petit pont, grand pont, centre et but ». Une prestation prometteuse qui décide le club alsacien de miser sur lui.
À DÉCOUVRIR : l’épisode du podcast consacré à Olivier Dacourt, Il Les Met Tous D’accord
Le début de carrière d’Olivier Dacourt : la joie de gagner avec son club formateur
« J'étais numéro dix jusqu'à mon passage en pro. C'est Daniel Jeandupeux qui m'a repositionné en milieu défensif, estimant que j'avais l'agressivité nécessaire pour ce rôle. » Lancé dans le grand bain en 1995, il évolue à Strasbourg au sein d’une très belle équipe. Avec Martin Djetou,il est l’une des figures de la jeune génération dorée alsacienne. En 1995, le Racing atteint la finale de la Coupe de France, battu 1-0 par le Paris Saint-Germain d'Alain Roche. En 1997, il remporte la Coupe de la Ligue aux tirs au but face aux Girondins de Bordeaux.
« C’est mon meilleur souvenir à Strasbourg, le club n’avait plus gagné un trophée depuis 1979 ». Gagner un titre avec son club de cœur, « c’est extraordinaire », Olivier Dacourt.
À DÉCOUVRIR : l’épisode du podcast consacré à Alain Roche, Paris Gagné
Cette victoire est suivie d’une belle épopée en Coupe d’Europe. Strasbourg élimine les Glasgow Rangers de Paul Gascoigne puis le Liverpool de Paul Ince, malgré un retour à Anfield brûlant. « Je n’ai jamais souffert autant pendant un match », avoue-t-il. Les Alsaciens tombent avec les honneurs en huitième, face au futur vainqueur, l’Inter Milan du Fenomeno Ronaldo. Dacourt dispute un total de 124 matchs avec le RC Strasbourg entre 1992 et 1998, inscrivant 8 buts toutes compétitions confondues.
En Angleterre, la confirmation d’un grand talent
En 1998, direction l’Angleterre pour Olivier Dacourt, un pays où il avait toujours eu envie d’évoluer. À raison. Il le dit lui-même, Outre-Manche, « je me suis régalé ».
Olivier Dacourt sous le maillot de Leeds United (crédit photo : site du New York Times)
Il pose ses valises à Liverpool, dans le club d’Everton. Au bout d’une saison pleine, il termine meilleur tacleur de la Premier League. Mais le club traverse des difficultés financières et vend le joueur malgré ses bonnes performances. « Je ne voulais pas partir. J’étais venu en Angleterre pour y rester. Mais Everton m’a vendu. » Une expérience suivie d’un intermède lensois d’un an, où il est recruté par Gervais Martel qui lui dit : « Je te veux, donc je vais te signer. » Puis il atterrir à Leeds, où il se révèle pour de bon au niveau européen.
Leeds, « C’est la meilleure ambiance que j’ai connu de toute ma carrière. C’était extraordinaire. On sortait tous ensemble, avec nos femmes, tout le temps. Après les matchs on se voyait, on mangeait chez l’un, chez l’autre. Il y avait une vraie communion dans cette équipe ». Il y forme un milieu efficace avec David Batty et Lee Bowyer. Sir Alex Ferguson dira plus tard que cette équipe de Leeds était « la plus sous-estimée d’Angleterre à l’époque ». Résultat : Dacourt et Leeds se hissent en demi-finale de la Ligue des Champions en 2001.
Une longue attente avant de goûter aux Bleus et d’être titulaire à l’Euro 2004
« L’équipe de France, c’est l’apothéose », Olivier Dacourt.
Grâce à ses belles performances anglaises, Dacourt frappe à la porte des Bleus. Mais dans un milieu très concurrentiel, entre Deschamps, Petit, Karembeu, Vieira et Makelele, sa première sélection tarde à arriver. Malgré tout, il ne cesse jamais d’y croire. « Si tu es bon, ça va arriver, il n’y a pas de raison ».
En 2001, c’est la bonne. Appelé pour la Coupe des Confédération en Corée du Sud, il remporte la compétition avec l’équipe de France. Absent du Mondial 2002 à cause d’une blessure, il gagne de nouveau la Coupe des Confédérations en 2003.
Cette période 2002-2004 reste cependant « un regret, car on a une équipe de malade […] Quand on regardait ZZ en équipe de France, on se disait qu’on ne faisait pas le même métier ». Titulaire contre la Grèce en quart de finale de l’Euro 2004, Dacourt ne peut empêcher une élimination surprise qui sonne le glas de sa carrière internationale.
Olivier Dacourt : un caractère bien trempé qui n’hésite pas à dire ce qu’il pense
L’arrivée de Domenech à la tête des Bleus change la donne. Le nouveau sélectionneur veut repartir avec une équipe de jeunes et Dacourt s’ennuie sur le banc. Ça ne passe pas : « Je lui dit :”Moi, j’ai 31 ans, si c’est pour me faire venir pendant 2 semaines et ne pas jouer une minute, j’ai pas besoin de ça. […] Si c’est pour être le remplaçant de Pedretti, ne m’appelez pas” ». Le milieu se sera plus rappelé après octobre 2004.
Un franc-parler et un caractère fort qui sont la marque de fabrique d'Olivier Dacourt le suivant toute sa carrière. Il se souvient notamment d’un échange houleux avec Aleksandr Mostovoï, alors au Racing Club de Strasbourg, lors d’un entraînement houleux. « Il m’a craché dessus. Il m'a manqué de respect. Je lui ai mis une patate ! » En 1999, à Lens, il est alors le plus gros transfert de l’histoire du club. Mais la saison en L1 est délicate, la relation avec le staff et ses coéquipiers compliquée. Jusqu’à une réunion de crise rassemblant toute l’équipe. Dacourt n'hésite pas alors à interpeller certains joueurs : « Depuis le début je cours, il n’y en a qu’un qui se fait siffler, c’est moi. Maintenant, on ne se dit plus bonjour, on arrête de faire les hypocrites, juste on va se concentrer sur le football. On rentre sur le terrain, tu cours pour moi, je cours pour toi. » À la suite, le RCL finit la saison en trombe avec une demi-finale de Coupe de l’UEFA contre Arsenal et une quatrième place en championnat.
Après ses années anglaises, Dacourt conquiert la Série A en devenant un titulaire incontournable à l’AS Rome puis à l’Inter Milan, remportant 3 scudetti. « Capello, il regardait personne. Quand il avait un truc à dire, il le disait. Peu importe qui c'était. » Coaché par José Mourinho, il n’hésite pas à lui dire ses quatre vérités.
« Mister, vous êtes un menteur », lui reproche-t-il début 2009 devant toute l’équipe lors d’une réunion de groupe. Il rajoute: « Mourinho, c'était un grand entraîneur, mais il m'a traité d'assassin après un tacle sur Robben. Je lui ai répondu que je n'avais pas de leçons à recevoir d'un gars qui n'avait jamais joué au haut niveau. » Dans la foulée, il est prêté à Fulham et ne rejouera plus avec les Nerazzurri. Un franc-parler synonyme de regrets ? Pas vraiment. « Si je ne réagis pas comme ça, ce n’est pas moi », explique Olivier Dacourt.
Après le football, une belle carrière derrière la caméra
Les crampons raccrochés en 2010, Dacourt se souvient d’une personne en particulier quand il fait le bilan de son parcours. « Si j’ai fait cette carrière, c’est parce que j’ai eu Gilbert Gress. Il était dur, exigeant, intransigeant ». Pendant longtemps, il reste persuadé que Gress, son premier entraîneur à Strasbourg, ne croyait pas en lui. Tout au long de ses années de footballeur, il n’a cessé de vouloir prouver que le technicien suisse avait tort. Avant de comprendre que c’était une manière de le pousser et de viser l’excellence.
À DÉCOUVRIR : le 2e épisode du podcast consacré à Gilbert Gress, La Mythologie Gress
Devenu consultant, Olivier Dacourt est aussi réalisateur de documentaires à succès autour du sport et du football. Je ne suis pas un singe (2019) aborde le sujet du racisme. Le Crépuscule des champions (2023) s’intéresse au basculement de la retraite après des années de haut niveau. Son premier film, Sur la route de papa, est prévu pour juin 2025.
Palmarès
- Championnat du monde militaire 1995
- Coupe des Confédérations 2001 et 2003
- Supercoupe d’Italie 2006 (Inter Milan)
- Championnat d’Italie 2007, 2008 et 2009 (Inter Milan)
- Coupe de la Ligue 1997 (RC Strasbourg)
- 21 sélections en équipe de France
- 1ère sélection : 30 mai 2001, France 5-0 Corée du Sud
- Dernière sélection : 13 octobre 2004, Chypre 0-2 France
Clubs successifs
- RC Strasbourg (1992-1998)
- Everton (1998-1999)
- RC Lens (1999-2000)
- Leeds United (2000-janvier 2003)
- AS Rome (janvier 2003-2006)
- Inter Milan (2006-janvier 2009)
- Fulham (janvier 2009-2009)
- Standard de Liège (2009-2010)