Dominique Baratelli

 

Oh, c'est vieux maintenant... ça n'a plus d'importance

— Dominique Baratelli

 

Le Podcast des Légendes : Alors c'est, peut-être, l'occasion, justement, de faire un bon parallèle avec cette fameuse Coupe du monde 1978 C'est quoi les premiers souvenirs que t'as de cette coupe du monde ?

Dominique Baratelli : Je pense qu'on l'a mal appréhendée. On avait une belle équipe ... vraiment une belle équipe : comme ça faisait très longtemps qu’on n'allait pas en coupe du monde, on y a été un peu en disant on est contents d'être là. Et je pense que ça a été une erreur. D'ailleurs, même sur le plan logistique…

Le Podcast des Légendes : Avec Michel, ça fait, ça fait quelques mois qu'on travaille sur ce podcast et on a beaucoup d'interlocuteurs sur les Coupes du monde 1978, 1982, 1986. Avant de le faire, on avait une certaine idée comme quoi celle de 1982 était assez mythique.

En réalité, moi, en tout cas, je pense que Michel partage ce point, plus on écoute celle de 1978, plus on est attiré par justement celle de 1978 comme la considérant comme un point majeur dans la transformation de l'équipe de France et de ses succès, puisqu’effectivement, on parle d’un point zéro avec cette Coupe du monde : une équipe très bonne, un amateurisme, peut-être, dans la logistique qui explique des résultats  pas en accord avec ça ; et puis, effectivement, le fait que ça faisait tellement longtemps que l'équipe de France n'était pas en Coupe du monde, il n'y avait pas encore l'envie de la remporter comme il y en a eu après. Mais en réalité, quand on écoute les Coupes du monde, elle semble mythique dans la façon dont elle s'est déroulée.

Dominique Baratelli : En plus on était. On était à l’Hindu Club avec les Italiens : on n'a pas le droit d'être dans le même hôtel que les Italiens, on aurait dû être ailleurs. Mais bon, d'ailleurs, on était très amis. Après un match de l'Italie, on est rentré en car, je suis rentré en car avec Henri Michel, Platini, Dominique Rocheteau et moi, qui était resté dans les tribunes pour voir le match.

Mais sur le plan de la logistique, comme les joueurs, on était tellement contents de cette Coupe du monde qu’on a peut-être été en dedans et pas pensé qu'on pouvait, peut-être, la gagner. Mais c'est vrai que dans notre poule il y avait l'Italie et l'Argentine, le pays organisateur et l'Italie… Donc c'est peut-être ces deux matchs là on aurait peut-être pu prendre deux points par exemple : ça se serait joué sur le dernier match. On est un peu, comment dire, resté en dedans,

Le Podcast des Légendes : Alors, avant de revenir en détail sur cette Coupe du monde argentine, et j'espère qu'on pourra écouter tes points de vue là-dessus, d'abord, il y a ce match contre la Bulgarie, en Bulgarie, que tu joues où Thierry Roland a cette diatribe un peu devenue culte où il traite l'arbitre M. Foote, de salaud.

Je rappelle pour nos auditeurs un peu plus jeunes, que donc le match contre la Bulgarie était vraiment important. Ça, c'est le match qui se déroule là-bas, à Sofia ; l'équipe de France qui mène 2-0 rapidement ; les Bulgares égalisent. Et à la 88ème minute, l'attaquant bulgare part en contre-attaque. Il est un peu pris en sandwich par, je crois, Bossis et Bathenay, et l'arbitre siffle penalty.

Dominique Baratelli : Oui.

Le Podcast des Légendes : Dieu merci pour les Français en tout cas, le penalty alors il prend à contre-pied mais la balle passe à côté… Comment tu… ?

Dominique Baratelli :  Il ne me prend pas à contre-pied, j’avais pas bougé. J'ai dit : « Je bouge au dernier moment ». Parce que je savais que Bonev c'était un bon technicien : si je bougeais avant, il l'aurait mis de l'autre côté tranquillement. Je bouge vraiment au dernier, dernier moment. Je pense que ça l'a gêné. D'ailleurs moi, quand il l’a mis à côté et j'étais au milieu des buts et je me suis renversé en arrêté. J'ai fait une roulade arrière.

Le Podcast des Légendes : Effectivement les images sont assez incroyables. Et donc le match nul est préservé c'est un petit peu le France-Roumanie 1995 pour la génération 1998, c'est le match… Il y a eu énormément de matchs France-Bulgarie à l'époque, c'était un peu un rival, j'ai l’impression. Le match retour, c'est le match sur lequel la France se qualifie pour la première fois. C'est une fête extraordinaire. Et pourtant toi tu joues quelques matchs, tu joues notamment et j'espère qu'on peut parler aussi de la tournée en Argentine en 1977, mais tu disparais du groupe. Alors ma première question c'est : quand vous allez en 1977, il n'y a pas de gros raffut médiatique par rapport à la dictature en Argentine (pourtant c'est une tournée dans le même pays), et pourtant 1978, c'est le gros scandale. Je ne sais pas si vous étiez engagés très politiquement à l'époque, mais quand tu vas en 1977, comment tu vois le pays et tout ça ?

Dominique Baratelli : Il me faisait peur, c'était l'angoisse permanente. Moi j'avais des copains qui sont Argentins qui étaient venus me voir : il y avait des flics, des soldats partout. On sentait une tension qui pesait sur ce pays : j’aurais pas aimé être là à cette époque-là… donc la junte, évidemment.

Le Podcast des Légendes : Et tu avais un coéquipier, Jose Dougal, je crois, qui était Argentin : vous parliez un peu de la situation à l'époque ?

Dominique Baratelli : Non. J'ai Montagnoli qui était venu me voir, José Montagnoli. C'est un Italien d'origine mais qui était Argentin. Moi, je n'ai pas rencontré Dougal.

Le Podcast des Légendes : D'accord. Et donc tu joues, quand même, pas mal de matchs de qualification pour la Coupe du monde, notamment ce match contre la Bulgarie tu perds un peu ta place…

Dominique Baratelli : Non, j'ai joué après le match suivant contre l’Eire, au Parc des Princes ; j’ai fait les deux premiers matchs, où on a gagné 2-0, d'ailleurs, ce match-là et le match nul. Et avec ce match là et le match nul  en Bulgarie, qui fait que, si on reçoit les Bulgares et qu'on gagne, on est qualifié.

Le Podcast des Légendes : Et alors pourquoi t'es pas titulaire en 1978, à ton avis ?

Dominique Baratelli : Non, je sortais aussi d'une saison difficile avec l’OGC Nice. Entre-temps, c’est Bertrand-Demanes et Dropsy qui avaient pris la suite. Dropsy n’avait pas joué, c’est Bertrand-Demanes qui avait joué.

Et donc, c'est vrai que cette époque-là j'ai eu une saison chaotique pour plusieurs raisons : des blessures, des problèmes internes… Donc c'est pour ça qu’au départ j'ai eu un trou, j'ai eu une période sombre. Donc, il ne m’a pas pris, au départ, il ne me prenait pas, donc, j’ai même pris le train.

Donc d'ailleurs ça fait que j’ai perdu ma place. Je l'ai rattrapée, je l'ai retrouvée à la fin et j'avais perdu ma place à Nice

Le Podcast des Légendes : À Nice tu n'étais plus titulaire ?

Dominique Baratelli : J'étais… Bon, j'avais fait quand même 25 matchs, mais il y a eu un moment, d'abord parce que je me suis pété les doigts, ça a traîné, je me suis recassé le doigt, une autre fois de suite. Je suis resté un mois ou deux sans jouer. Et donc ça…Dès qu’il y a un manque, on trouve quelqu'un pour prendre la place.

 Et ça m'a un peu perturbé, ce qui fait que…j'ai récupéré ma place en en huitièmes de finale de la Coupe de France et en championnat. On s'est qualifié contre Nantes, on s'est qualifié contre Monaco en a fait la finale contre Nancy.

Le Podcast des Légendes : Donc tu n'étais pas surpris, on va dire, de ne pas être titulaire et notamment, je crois que tu dois à la blessure d'André Rey, quelques mois avant la Coupe du monde, c'est là que Bertrand-Demanes devient titulaire. Et je crois que c'est là que du tu redeviens, tu refais partie des remplaçants ?

Dominique Baratelli : Oui, absolument. La chronologie exacte, à part que moi, non, j'étais déjà prévu dans les trois gardiens de but : c’est Dropsy qui a bénéficié de la blessure de Dédé Rey. Moi, j’étais déjà dans ce groupe : je l'avais prise après la Coupe de France, après que je sois redevenu titulaire avec l’OGC Nice.

Le Podcast des Légendes : D'accord.

Dominique Baratelli : C’est Dropsy qui a bénéficié de la blessure de Dédé Rey.

Le Podcast des Légendes : Et comment, justement comme tu le disais, ça faisait des années que l'équipe de France n'avait pas abordé une coupe du monde, comment honnêtement, tu apprécies ta nomination dans le groupe ?

Dominique Baratelli : J'étais hyper content, surtout après la saison que j'avais passée, revenir dans le groupe, c'était quelque chose de formidable. Et c'est vrai que Dédé Rey avait une très petite expérience en équipe de France puisque c'était sa deuxième ou troisième sélection, Bertrand-Demanes, il fallait un deuxième gardien de but et qui ait quand même, connu l'équipe de France alors que Dominique Dropsy, lui, n'avait pas encore joué en équipe de France. Il a joué quand Dédé Rey a été blessé, il a rejoint le groupe. Il a fait le dernier match contre la Roumanie.

Le Podcast des Légendes : Alors justement, est-ce que tu es un peu choqué, enfin choqué, non, mais surpris ? Tu rentres quand même, t'es n°2 ou 1 bis, on va dire, tu rentres en cours de jeu contre l'Argentine, tu joues les 45 dernières minutes et tu ne joues pas le troisième match ?

Dominique Baratelli : Oui, ça m’a contrarié parce que j’étais venu pour… jouer. Après on était éliminé. Je comprends le raisonnement d’Hidalgo, il a dit : « Bon, je l’ai fait jouer, je vais le faire jouer en option. » Mais c'est vrai que quand d'ailleurs l'adjoint d’Hidalgo, Bourrier, avait dit « Tiens, on fait ce prochain match, », lui aussi pensait que c'est moi qui allais jouer. Et c'est vrai que ça m'a surpris.

Le Podcast des Légendes : Et il expliquait ses décisions, Hidalgo, dans ce genre de…Est-ce qu’Hidalgo expliquait ses décisions dans ce genre de situation ?

Dominique Baratelli : Pas du tout. Il a toujours eu des problèmes avec les gardiens de but. Je ne sais pas comment ils faisaient les autres : avec moi, avec les gardiens de but, ses décisions n’étaient pas toujours justifiées, expliquées.

Le Podcast des Légendes : Et pourquoi d'après toi, il avait toujours des problèmes avec les gardiens de but ?

Dominique Baratelli : J’en sais rien.

Le Podcast des Légendes : On a eu Bertrand-Demanes sur le programme très récemment et il racontait cette anecdote assez marrante qu’Hidalgo avait des concepts assez précis sur la presse en disant : « Voilà, il ne faut pas faire confiance aux journalistes » qu’il fait une grande conférence à toute l'équipe et dès que la conférence ou dès que la réunion est terminée, il file aller discuter justement avec les journalistes.

Dominique Baratelli : Oui c'est vrai, je confirme,

Le Podcast des Légendes : Et c’est maintenant, pareil, encore une fois, ça n'est que du football et c’est prescription, même si c'est important, comment tu jugerais tes relations avec Hidalgo à ce moment-là ?

Dominique Baratelli : Ce n'est pas la complicité qu’avait Michel [Platini]... J'ai pas le mot là …inexistante.

Le Podcast des Légendes : Inexistante.

Le Podcast des Légendes : D'accord parce que ce qu'on a compris…

Dominique Baratelli : Moi, je suis resté en Coupe du monde en 1982 et il n’est jamais venu me voir, par exemple.

Le Podcast des Légendes : Alors ça, j'ai effectivement vu ça qu’il n'y a pas eu, il n'y a eu aucune discussion. Tu as eu zéro discussion pendant toute la Coupe du monde, ce qui est quand même incroyable !

Dominique Baratelli : Oui, c’est sa conception à lui. Je ne juge pas, moi je ne ferais pas comme ça. Mais je ne juge pas !

Le Podcast des Légendes : Parce que, juste pour faire un petit saut en avant 1982, vous faites un stage à Font-Romeu.

Dominique Baratelli : Oui.

Le Podcast des Légendes : La version qu'on a entendue, on a eu Jean-Luc Ettori sur le programme, on a eu Six, Bossis, Giresse… Bref, tout le monde dit qu’Ettori a fait une super préparation, que toi, tu as dit je crois au milieu des années 1980, dans une interview télé, que toi, tu t'es préparé comme tu te préparais toujours, c'est-à-dire tranquillement parce que tu connaissais ta force et tu savais comment ménager ton corps, notamment, à la fin de la saison. Et donc, peut-être que ta préparation était moins tonitruante, on va dire. Et c'est vraiment basé sur cette préparation qu’Hidalgo aurait pris sa décision sachant qu’Ettori, je crois, il n’avait vraiment joué aucun match en équipe de France avant le match d'ouverture contre l'Angleterre.

Dominique Baratelli : Si, il avait fait un match. Mais moi je vais vous dire un truc : j'étais à Font-Romeu et je souffre énormément en altitude. Donc j'ai pas voulu, comment dire, bourrer en altitude. Parce que j'avais fait des crises lors d'un stage à Font-Romeu qu'on avait fait avant la Coupe du monde, avant Noël. On avait fait un stage à Font-Romeu où j'avais bourré, bourré. Et quand je suis rentré au club, ils m'ont mis une semaine au repos avant de rentrer au Paris Saint-Germain, ils m’ont dit : « Ah cette crise… » Parce que j'ai un problème au niveau de l'altitude, c'est sûr que je ne suis pas bien. Donc quand on a été à Font-Romeu, je suppose calmement, voilà, c’est tout. Au départ le titulaire, c’était Castaneda. Je faisais les matchs amicaux. Le premier match, c’était Castaneda qui jouait. La première mi-temps, on faisait des matchs avec trois mi-temps : la première mi-temps, c’est Castaneda qui jouait. La deuxième mi-temps, c’était Ettori, la troisième mi-temps, c'est moi, voilà l'ordre.

Le Podcast des Légendes : Est-ce que tu attendais, sur 1982, est-ce que tu t'attendais à être titulaire au début, quand on annonce ton nom dans le groupe, est ce que tu t'attendais à être titulaire ?

Dominique Baratelli : Au départ, je savais qu'il y avait une grosse tendance pour Castaneda, et que j’y suis allé en disant : « Je vais tenter ma chance. » Je sais que j'ai sorti une bonne saison avec le Paris Saint-Germain : on avait gagné la Coupe de France, donc j’étais dans une bonne dynamique. Bon, arrivé là-bas, je l'ai senti venir.

Le Podcast des Légendes : Mais c'est vrai que maintenant avec le recul, en tout cas, si on se base uniquement sur les performances, tu sors d'une année d'une année incroyable : c'est en 1982, il me semble, que tu que tu fais ton numéro en Coupe de France.

Dominique Baratelli : Absolument.

Le Podcast des Légendes : C'est ça, donc tu permets au PSG qui n'avait jamais rien gagné, on peut vraiment dire sans exagérer, sans te passer de la pommade, que la Coupe de France 1982, c'est vraiment toi, en grande partie, aux séances de penaltys entre autres. Tu joues le match contre l'Italie qui va être championne du monde. Tu fais un clean sheet.

Dominique Baratelli : Oui.

Le Podcast des Légendes : Et pourtant, tu dis, la tendance est plutôt pour Castaneda qui prend quand même trois buts contre la Pologne…bref…c'est assez étrange, basé en tout cas, juste au niveau statistique.

Dominique Baratelli : C'est vrai. Bon, c’est dans la tête du sélectionneur donc, bon, on avait fait une filière pour l’équipe de France depuis le début : au début au premier tour on rencontre Nîmes à Nîmes : on mène 1-0, Nîmes égalise. Ils ont été battus : le penalty, je l'arrête. On égalise, on va aux penaltys et j’en ai arrêté trois. Depuis le premier tour, cette Coupe de France, elle était pour moi : c'était vraiment…c'était écrit !

Le Podcast des Légendes : Et ça doit être un record, je pense, d'arrêter autant de penaltys lors d'une Coupe de France parce que tu en arrêtes quatre, il semble, en demi.

Dominique Baratelli : Je ne sais pas. Oui j’en ai arrêté quatre en demi, je pense trois au premier tour, dont un pendant le match. Et après j'ai arrêté celui de Jeannot Lopez. Bon, sur la finale, Vautrot, il était affilié avec les gardiens : on tire le premier penalty. Je dis à l'arbitre il fait retirer parce qu'il avait bougé avant. Moi après, derrière, il a refait le tir, il le rate : j'ai bougé avant, donc il fait retirer. Donc ça a perturbé les deux gardiens, Castaneda et moi, moi ça je suis sûr de ça ! Bon, finalement, il fallait bien, à un moment donné, qu’il le rate.

Le Podcast des Légendes : On avait Christian Lopez sur le programme qui se souvient très bien de son penalty raté, ça reste une petite blessure pour lui. Il voulait réparer. Il l'avait un peu mauvaise. Est-ce que tu peux nous expliquer cet arrêt de penalty, est-ce que tu peux nous retracer un peu, comment tu arrêtes ce penalty de Christian Lopez ?

Dominique Baratelli :  Non, c'est pas moi qui l'ai arrêté, c’est lui qui l’a mal tiré, il faut être objectif. Moi, j'ai à peine bougé à gauche et je l'ai sorti avec les pieds. Donc, c’était pas…

Le Podcast des Légendes : Mais t'as quand même bougé au dernier moment ? C’était un peu ta marque de fabrique !

Dominique Baratelli :  Non, j'ai pas fait d’exploit sur ce penalty. Enfin, il était important.

Le Podcast des Légendes : C'est le premier titre, le premier titre du PSG qui fait un peu entrer le Paris Saint-Germain dans une nouvelle ère.

Dominique Baratelli : Oui, voilà ça a été le déclic, peut-être. Après, l’année suivante on a encore gagné la Coupe de France contre Nantes. L’année d'après on s'est qualifié, on a perdu en Coupe de France contre Mulhouse et on a fini dans les deux ou trois premiers, on a fait encore une Coupe d'Europe. Et après, moi, je suis parti. Je me suis blessé puis j'ai arrêté, j'avais 38 ans. Et après le Paris Saint-Germain derrière, a été champion de France. C’était Joël Bats dans les buts.

Le Podcast des Légendes : 1986. Alors pour revenir à 1978, si tu nous le permets donc vous vous partagez, il y a plein de petites histoires, (on en a parlé beaucoup dans le podcast : je rappelle à nos auditeurs il y a l'histoire des bandes sur les chaussures Adidas, l'histoire des primes…l'histoire du…)

Dominique Baratelli : On est allé là-bas en bricoleur, ça n’a pas été préparé, on n’a pas préparé. Alors évidemment, tout est sorti. En plus…

Le Podcast des Légendes : Alors Bertrand-Demanes parlait de La Croisière s’amuse.

Dominique Baratelli : Non, mais c'est vrai, c'est ce que je disais au niveau logistique, on n’était pas prêts. Mais nous aussi les joueurs, on n'était peut-être pas dans la tête de, peut-être, se dire, on peut être champion du monde. Je pense que tout le monde a été un peu fautif. Mais bon… voilà…c’est…

 

 

Le Podcast des Légendes : Quelle est l'anecdote pour toi, la plus drôle de cette croisière s'amuse ?

Dominique Baratelli : Ah, ça a été l’affaire des maillots ! Les maillots, ça a été…

Le Podcast des Légendes : Les maillots contre la Hongrie.

Dominique Baratelli : Non, il faut être juste : on avait un jeu de maillots ou deux. Et puis il y en a un qui avait la même couleur que le gardien de but en face. Et le gardien de but n'a pas voulu changer. On s'est retrouvé comme des cons, on n'avait pas de maillot pour jouer. Bon, c'est un problème logistique parce qu'on aurait dû avoir trois jeux de maillots différents pour pouvoir palier toute éventualité. C'est un truc auquel on n'avait pas pensé ! Et on a joué avec des maillots verts et blancs…. Quand je vois les photos encore…

Le Podcast des Légendes : Alors, Jeannot Lopez nous racontait que les joueurs, pendant les hymnes avaient leur survêtement, leur veste de survêtement vraiment montée jusqu'au col tellement ils avaient honte des maillots qu’ils portaient en dessous.

Dominique Baratelli : C’est vrai, oui.

Le Podcast des Légendes : Est-ce que tu l’as gardé ce maillot ? Est-ce que tu l’as gardé ce maillot ?

Dominique Baratelli : Moi, je ne l'ai pas eu Non. Je crois qu'on les a rendus à la fin du match parce que c'est un club local d’à-côté qui nous avait prêté les maillots. Mais, là, c’est folklorique… un club local.

Le Podcast des Légendes : Bertrand-Demanes nous racontait une autre anecdote assez folle que pendant les entraînements, il y avait certaines femmes de dirigeants qui étaient avec vous, que vous vous arrêtiez quand vous faisiez la navette de retour des terrains d'entraînement qui se trouvaient à Buenos Aires, que vous passiez par la ville et que vous arrêtiez parfois pour que pour que les femmes de dirigeants puissent acheter des articles de cuir argentins.

Dominique Baratelli : Je ne me rappelle pas ça. C'est dans la ligne, franchement, je ne me rappelle pas ça. Si Bertrand-Demanes vous l’a dit, c’est que c’est vrai.

Le Podcast des Légendes : D'accord.

Le Podcast des Légendes : Donc toi, tu logeais avec les Italiens, dans le même hôtel comme tous les Français.

Dominique Baratelli : On était quand même assez éloignés les uns des autres et on avait le même terrain au milieu : quand ils s’entraînaient, on ne s’entraînait pas, puis on y allait. C’étaient les mêmes terrains de préparation que nos collègues.

Le Podcast des Légendes : Tu partageais ta chambre avec qui, à ce moment-là ?

Dominique Baratelli : là j'étais avec Guillou je crois. Oui, j'étais pas encore au PSG. Après j'ai fait chambre avec Rocheteau pendant quatre ans. Mais là j'étais avec Guillou.

Le Podcast des Légendes : Pardon, on n'a pas entendu.

Dominique Baratelli : Comment ?

Le Podcast des Légendes :  On n'a pas bien entendu : avec qui tu partageais ta chambre ?

Dominique Baratelli : J'ai fait des chambres avec Jean-Marc Guillou.

Le Podcast des Légendes : D’accord, ça marche très bien, Jean-Marc Guillou.

Dominique Baratelli : Des Niçois.

Le Podcast des Légendes : D'accord. Et il y avait une autre histoire un peu folle que j'ai retrouvée, que tu aurais eue avant le match. Donc pour revenir au problème, non pas problème, mais par rapport aux histoires de politique de boycott de la Coupe du monde, que tu aurais eu une réunion avec BHL pour qu’il te donne un petit peu… C’est exact ? C'est pas une légende urbaine, je crois que c'était toi, Rocheteau et Rio, peut-être….

Dominique Baratelli : Rocheteau et Guillou : tous les trois, BHL, c'est pas nous qui avons demandé à le rencontrer. C'est lui qui voulait nous parler de la situation.

Le Podcast des Légendes : Et ça c'est en Argentine ? C'est avant la compétition, ça se passe…

Dominique Baratelli : Oui, à l’Hindu Club. Et je crois que ça ne s’est pas fait : si on l'a rencontré. Mais ça ne s’est pas fait, comment… Je sais qu'on l’a rencontré et je crois qu’Hidalgo n'a pas voulu qu'on le fasse.

Le Podcast des Légendes : Pourquoi c'est tombé sur toi, cette histoire ? Pourquoi t'as été dans cette galère ? J'ai envie de dire…

Dominique Baratelli : Parce que parce que moi ça m'intéressait, je me sentais concerné. Dominique Rocheteau pareil et Jean-Marc Guillou pareil. Parce qu’on était concernés.  On voulait savoir…De toute façon, nous les joueurs, chaque joueur avait le nom d'un un Argentin emprisonné ou tué, chaque joueur avait, accolé à notre nom, il y avait un Argentin qui était emprisonné.

Le Podcast des Légendes : C’est-à-dire, accolé à votre nom, dans la presse ?

Dominique Baratelli : C’est-à-dire dans la presse. Oui, on disait Euh, c’était (?) qui avait fait ça. Elle avait donné une liste d’Argentins emprisonnés qu’elle avait couplés avec un joueur.

Le Podcast des Légendes : Et donc 1978, toi qui as passé le bac juste avant mai 1968, etc., vous parliez beaucoup politique dans le vestiaire où c'étaient des trucs personnels vraiment, uniquement avec les gens avec lesquels tu avais plus d'affinité comme tu dis toi-même, Rocheteau ou Guillou ?

Dominique Baratelli : Moi j’étais bien copain avec Dominique Rocheteau.  On avait les mêmes idées, à peu près. Mais on ne parlait pas politique, pas avec des idées.

Le Podcast des Légendes : D'accord

Dominique Baratelli : Le football c'est très à droite. On n'était pas dans le moule.

Le Podcast des Légendes : C'est intéressant ce que tu dis parce que comme disait Michel, on a eu Jean-Paul Bertrand-Demanes récemment. Je pense qu'il n'était pas du tout dans la même optique que la tienne. Donc c'est intéressant d'avoir cette double, ce…c'est intéressant.

Dominique Baratelli : On n'en parlait pas : on n’a jamais parlé politique, ni en équipe de France, ni quand j’étais à Nice, ni quand j’étais au PSG, ni avec la mairie de Paris, jamais !

Le Podcast des Légendes : Alors moi j'ai une question et dis-moi si je me trompe complètement, mais j'ai l'impression qu’à l'époque dans les années 60, fin des 70, la presse est extrêmement sévère avec l'équipe de France de manière générale ou même avec les joueurs de foot : il y a une espèce de mépris vis-à-vis des joueurs de foot qu'on n'a plus du tout maintenant où c'est complètement l'inverse où les joueurs de foot sont mis sur un piédestal : est-ce que je me trompe ?

Dominique Baratelli : Oui c'est vrai c'est vrai que bon, les journalistes chacun a son joueur préféré oui mais c'est vrai que globalement…ce n’est pas des gens intéressants. Il y avait des journalistes, mais franchement, c'est vrai que dans la presse… peut-être qu'on communiquait mal aussi. Puis maintenant les communiqués…

Le Podcast des Légendes : D'accord. Alors donc retour au terrain, donc, Jean Paul Bertrand-Demanes se blesse de manière assez spectaculaire contre l'Argentine lors du deuxième match à la 55ème minute : à l'époque je crois que vous êtes, les Bleus sont menés 1-0, tu rentres en cours de match. Comment tu appréhendes ? Est-ce que…tu ne dois même pas avoir le temps de réfléchir.  Hidalgo te dit : « Tu enlèves ton survêtement… »

Dominique Baratelli : D'abord on a eu peur sur la blessure de Jean Paul parce qu'il a heurté violemment le poteau. Bon, Michel [Hidalgo] m’a dit, de la touche : « Prépare-toi ! ». Je me suis préparé, j'ai même pas le temps de réfléchir. Je suis rentré et dès la première action qu’il y a eu, il y a eu un centre. Je suis sorti, je l'ai bien bloqué, ça m’a tout de suite mis en confiance.

Le Podcast des Légendes : Alors question, parce que Bertrand-Demanes nous racontait aussi, Bossis nous en avait parlé, de l'entrée sur le terrain, avant le début du match avec les avec les papiers, les confettis, le bruit assourdissant, etc. Quand toi tu es dans le vestiaire, ou quand tu es avec l'équipe, est-ce que tu es content de ne pas jouer ce match ? Quand tu vois le stress, l'ambiance assourdissante est-ce que tu te dis « heureusement que c'est pas moi sur le terrain » ou pas du tout ?

Dominique Baratelli : Non, pas du tout. Au contraire, c'était formidable de voir une ambiance pareille. En plus, je vous ferai remarquer qu’ils ont inventé la ola : c’est eux qui faisaient la ola et tout autour du terrain ; c'est vraiment, on découvrait ça, la ola et c'était vraiment impressionnant et on a envie de jouer, au contraire ! En fait, on était là pour faire  ce genre de match.

Le Podcast des Légendes : D'accord. Et donc tu joues ce match, tu prends un but sur une frappe assez incroyable d'un Argentin. J'ai oublié, c'est peut-être Luque, je ne me souviens plus.

Le Podcast des Légendes : Oui, c'est Luque.

Dominique Baratelli : Et je pars un poil en retard parce que je ne vois pas le départ du ballon. J'avais deux défenseurs qui me masquaient et donc je suis parti avec un poil de retard. Je pense que si je pars au bon moment, je la prends.

Le Podcast des Légendes : J’ai envie de dire que s'il ne marque pas là-dessus, l'arbitre aurait sûrement trouvé un penalty, un deuxième penalty avant la fin du match.

Dominique Baratelli : Ils venaient de perdre contre l'Italie, à l’époque, ils ont perdu contre l'Italie et le dernier match, on ne sait pas ce qui aurait pu se passer.

Le Podcast des Légendes : Et quand tu les joues, tu penses qu’ils vont être champion du monde ? Tu les vois être champions du monde à ce moment-là ?

Dominique Baratelli : Il y avait une telle pression populaire. Il y avait un tel élan. C'est vrai que c'est possible qu'ils puissent aller jusqu'au bout. Ils faisaient, quand même partie des favoris ! L'Italie pouvait perdre.

Le Podcast des Légendes : D'accord. Donc le match se termine, l'équipe de France est éliminée. Comme tu dis, Hidalgo fait une sorte de de roulement : il fait jouer Dropsy et quasiment tous les remplaçants. Du coup, tout le monde joue au moins une minute. La France bat la Hongrie, l'histoire des maillots, etc. Et on a appris donc qu'après, il y a eu un petit voyage payé par les joueurs au Brésil.

Dominique Baratelli : Oui

Le Podcast des Légendes : Est-ce que tu en a fait partie de cette petite semaine de croisière ?

Dominique Baratelli : Non, moi j'avais ma femme qui avait eu des problèmes, donc je suis rentré tout de suite.

Le Podcast des Légendes : D'accord, donc retour au championnat de France après la Coupe du monde. Donc j'imagine que tu n’as aucune certitude quant à une prochaine sélection puisqu’il n'y a pas eu vraiment de… d’Hidalgo. Comment tu vois à ce moment-là la suite de ton expérience en sélection ? Tu as des idées ? Quel est ton état d’esprit ?

Dominique Baratelli : Non. Moi, à cette époque, ça a coïncidé avec le moment où je suis arrivé au Paris Saint-Germain puisque donc, j’ai fait la Coupe du monde et je suis rentré à Paris, Saint-Germain-en-Laye. Je partais, je venais de signer au Paris Saint-Germain. Donc, pour moi, c'était un nouveau départ, une nouvelle…le Paris Saint-Germain, à l'époque était très moyen…. C’était pas une promotion, Donc, j’ai dit : « Il va falloir que maintenant euh, j’éternise » : j'étais dans la capitale parce que la capitale, c'est quand même une chose importante…

Le Podcast des Légendes : Et comment est-ce qu'ils arrivent à te décider le PSG ? Parce que tu es quand même un gros poisson pour ce club ? Je crois qu'il est formé en 1970, il me semble…c’est ça ?

Dominique Baratelli : Non mais je bon moi j’ai été tout de suite d'accord avec... après ma saison tumultueuse à Nice, je sentais que c’était terminé. Je voulais m’orienter vers une autre… Donc Borelli a rencontré, toujours la question de l'aéroport, Yann Kevin (?), un joueur de Monaco. Ils ont discuté. Borelli a dit qu’il cherchait un gardien et Cartier a dit : « Prends Baratelli, tu ne seras pas déçu. » Et ça, c'est comme ça que ça s'est fait. Donc après j'ai rencontré, quand j'étais en équipe de France, à Paris. Borelli est venu, on a discuté et j’ai signé.

Le Podcast des Légendes : Et toujours sans agent ? Là, c'est…Tu négocies toujours ça tout seul ?

Dominique Baratelli : Ça n'existait pas à l’époque, les agents, ça n'existait pas. Non, pour moi, c'était je joue au Parc des Princes. Je crois que Larqué qui était l'entraîneur à l'époque, me voulait. Il y avait Dominique Bathenay qui arrivait. Il y avait Armando Bianchi qui arrivait. Je pensais que le club avait envie de faire quelque chose. Très heureux d’être à Paris. Et j'ai été très heureux à Paris.

Le Podcast des Légendes : Et, tu as tout le temps été dans le Sud. Là, tu pars à Paris : est-ce que ça n'a pas été un petit déchirement de quitter le Sud natal ?

Dominique Baratelli : Pas du tout, ça ne m'est même pas venu à l'esprit. Je me suis fait un peu charrier par des gars de Monaco, en disant : « Tu vas sacrifier quatre années avec l’équipe de France. » Mais moi, ça ne m’a pas du tout gêné. D'ailleurs, le premier hiver où on est arrivé, il a fait un froid et de la glace de partout, il neigeait. Mais c'était bien : j'étais content d’y être allé.

Le Podcast des Légendes : Jean-Paul Bertrand-Demanes nous disait qu'il y avait en revanche un truc que tu n’aimais pas trop dans le Sud de la France, c'étaient les terrains parce qu'ils étaient souvent très durs, alors que les terrains du Nord de la France étaient plus boueux et que c'est quand même plus agréable de sauter dans la boue que sur les terrains durs. Est-ce que c'est que c'est vrai, cette anecdote ?

Dominique Baratelli : Oui, il a tout à fait raison. Nous, quand on jouait en dur, à trois heures de l'après-midi sur un terrain où il n'y avait pas plu, il y avait des bosses, il y avait des mottes… les terrains étaient dégueulasses, il faut le dire. C’est pour ça qu’il y avait beaucoup de fautes de mains et en plus on n'avait pas de gants bien à capter. Bon, c'était une catastrophe ! Donc il y avait beaucoup de fautes de main des gardiens de but. Et maintenant je vois des terrains, ce sont des billards, on n'a plus le droit à l'erreur : le matériel est 100% efficace. Non, il a raison.

Le Podcast des Légendes : Pour nos auditeurs, je veux quand même rappeler cette équipe de du PSG dans laquelle tu arrives, qui est quand même vraiment une très belle équipe : tu as Bathenay, Dhaleb, Luis Fernandez, Jean-Michel Larqué qui joue encore.

Dominique Baratelli : Oui. Au départ, Larqué a commencé comme entraîneur. Il était entraîneur et il s'est arrêté au bout de cinq, six matchs, je crois. Et c’est Pierre Alonzo qui a pris la suite. Et puis après il y a Vasovic qui est arrivé. Donc après Jean-Michel Larqué a joué. Quand j’avais signé, il y avait des amitiés.

Le Podcast des Légendes : Donc une équipe ambitieuse. Et est-ce que…le changement vers une plus grande ville, vers Paris, est-ce que tu changes un peu tes habitudes ? Tu te concentres, j’allais pas dire que tu te concentres moins. Mais est-ce que tu es, est-ce que c'est plus compliqué de vivre dans une ville, de jouer dans une ville comme Paris qui est quand même, sans vouloir porter injure à Ajaccio ou à Nice, une grande ville peut-être plus excitante au niveau culturel, est-ce que ça impacte ? Est-ce que ça peut impacter la performance si le joueur se disperse un petit peu ? Ou toi t'avais pas ce genre de problème ?

Dominique Baratelli : Au contraire, c'est une ville culturelle, c’est une ville importante, mais j’y ai été des milliers de fois. En plus, bon, moi j'habitais à Port-Marly : Port-Marly, c’était un joli coin, c'était agréable, on était en dehors de Paris. Alors pour m’entraîner, j’étais avec des individus qui… on allait à Paris quand il n'y avait pas beaucoup de monde. Moi, au mois d’août, je prenais l'autoroute à dix heures, quand il n'y avait plus grand monde, je revenais quand j’en avais envie. Non, c'était vraiment une ville très agréable. Sans faire de…moi. je ne suis pas allé dans une boîte de nuit à Paris pendant les sept ans où j’y ai été : juste pour fêter les Coupes de France.

Le Podcast des Légendes : D'accord, donc tu es resté sérieux, quand même, jusqu'au bout ?

Dominique Baratelli : Oui, bien sûr, et puis…on connaît du monde, il y a des gens intéressants,

Le Podcast des Légendes : Alors le petit mystère que j’ai, donc tu arrives au PSG, équipe ambitieuse qui a des bons résultats assez vite quand même, même si pas de trophée immédiatement en tout cas et…

Dominique Baratelli : Pas de trophée, absolument.

Le Podcast des Légendes : Et pourtant tu ne joues, tu n'as plus aucune sélection. Donc tu joues 35 minutes j'avais dit 45 plutôt mais c'est 35 minutes, en Argentine. Et tu n'as plus aucune sélection jusque, en tout cas je ne sais pas si tu es présélectionné, j’avoue que j’ai pas accès à ça…

Dominique Baratelli : Non, pas du tout donc j'étais trou noir pendant cinq, six ans, quatre, cinq ans, quatre ans : trou noir de 1978 à 1982.

Le Podcast des Légendes : Oui c'est ça, donc tu joues contre l'Argentine 35 minutes et ensuite tu ne joues plus jusqu'à ce fameux match contre l'Italie et puis ensuite, deux mois plus tard, contre le Pérou

Dominique Baratelli : Oui, oui.

Le Podcast des Légendes : Comment tu expliques, tu disais toi-même, ce « trou noir » ? Alors est-ce que tu as une explication ?

Dominique Baratelli : Non, non, c'était la période Dropsy, il fait confiance… Là, pour une fois, il a fait confiance à un gardien. Il l’a pris. Il l’a fait jouer pas mal de fois, il l’a titularisé.  Donc c’est vrai que j’étais à Paris. C'est vrai qu'à Paris, les deux premières saisons, on n'a pas, on n'a pas été extraordinaires : ça a commencé à arriver avec… j’ai un trou de mémoire pour l'entraîneur, Peyroche, ça a démarré un peu quand Peyroche est arrivé, avec Dominique Rocheteau, etc. On a commencé à avoir une équipe. Il y a Toko qui est arrivé. Enfin bon, il y avait une équipe qui était en devenir, qui progressait.

Le Podcast des Légendes : J'ai un peu l'impression que pendant cette période 1978/82, on revient un petit peu à l'instabilité au poste de gardien des périodes Kovacs, c'est-à-dire tous les 3, 4 matchs, un changement : donc Il y a Dropsy, Bertrand-Demanes, c’est pareil, il est aussi blacklisté, on ne sait pas trop pourquoi, après sa blessure contre l'Argentine, il ne reviendra jamais.

Dominique Baratelli : Oui, c'est vrai, on ne sait pas, on ne peut plus lui demander. Mais je me rappelle plus cette période-là… j'avoue… j'étais à fond dans le Paris-Saint-Germain. J’étais content d'être là, ils me faisaient confiance. Ils avaient signé trois ans, je suis resté sept ans. La première fois, j'ai signé trois ans. Et puis ils m’ont prolongé plusieurs fois, pareil et moi sans me poser trop de questions. Donc souvent, on me faisait souvent jouer des matchs… en début de saison, quand il y avait un match de sélection contre… une grosse équipe. C’était pas le tournoi de Paris. C'est une image de sélection pour faire ces matchs : ils me charriaient mais je suis allé prendre parce que c'est pas loin.

 

 

Le Podcast des Légendes : D'accord et tu ne pouvais pas., à cette époque-là, alors je sais que c'était rare les gardiens qui ou même pas les gardiens, les joueurs qui refusaient des sélections, (je crois qu’il y avait le précédent de Serge Chiesa), mais toi, tu voulais retourner en équipe de France, tu n'avais pas fait la croix dessus ?

Dominique Baratelli : Non. D'ailleurs, même quand il m’appelait dans ce genre de match, je me souviens, une fois contre Mönchengladbach, pour l'équipe de France, contre Mönchengladbach, on faisait des matchs comme ça. C'était souvent moi qui jouais. Après, dès qu’il y avait les sélections, j’étais plus là.

Le Podcast des Légendes : Et tu avais à chaque fois la retenue de ne pas lui demander : « Mais pourquoi tu me fais jouer sur ces matchs ? »

Dominique Baratelli : Non

Le Podcast des Légendes : Certes insignifiants, mais…

Dominique Baratelli : Non, je n’ai jamais demandé.

Le Podcast des Légendes : Est-ce que c'est une blessure, maintenant ou est-ce que tu t'en fiches ?

Dominique Baratelli : C’est passé. Ça m'a contrarié pendant quelque temps. Bon franchement, ça fait, c’était en 1982, on est en 2022… 40 ans. Ça ne m’a pas traumatisé à vie !

Le Podcast des Légendes : Alors c'est marrant parce qu'on a une avec le podcast, donc on a eu pas mal de joueurs de 1982, 1978 et 1986 aussi. On a une page Facebook où on parle des épisodes, etc. Et il y a encore énormément de gens qui sont persuadés qu’avec toi dans les buts, la France est championne du monde en 1982. Alors je sais que c'est une question un peu absurde. Mais quand toi tu vois cette séance de tirs au but, est-ce que tu as des fourmis dans les jambes ? Comment tu… quel est ton état ? Quel est ton état d’esprit vis-à-vis de ça ? Parce qu'il y a vraiment une grosse part de… en tout cas sur je ne sais pas quelle est la part de la population française…

Dominique Baratelli : Non, mais là, c'est l'enjeu qui emporte tout :  on est tendu, on regarde comment ça va se passer tout maintenant... je ne suis pas mis dans la tête du gardien qui était dans les buts. Ça s'est passé. Il y a eu l’incident sur Battiston. On était un petit peu inquiet pour Battiston. Je ne sais pas, on était pris dans le match. Après, avec le temps, on peut se poser des questions, mais pas sur l'instant.

Le Podcast des Légendes : Sur les deux équipes de France 1978, 1982, c'est laquelle ta préférée ?

Dominique Baratelli : Moi, j'ai bien aimé celle de 1978… Celle de 1982, il y avait aussi du talent. On a eu quand même beaucoup de chance, beaucoup de chance qu'on n'a pas eu en 1978. Le dernier match, on a failli rentrer à la maison, le 4-0 contre le Koweït, c’est du bien fondé. Si on perd contre les Tchèques, on va se rhabiller. Et il y a eu Amoros qui a défendu la ligne… on a frisé la correctionnelle.

Le Podcast des Légendes : C'est vrai quand on voit le l'effectif de l'équipe de 1978 et pour revenir à ce que disait Guillaume, Moi, nous, tous les deux, on est nés en 1977. Donc ce n'est pas une période qu'on connaît vraiment, en tout cas qu'on connaissait vraiment. Et c'est vrai que quand on voit l'effectif de cette Coupe du monde 1978, c'est vrai qu’avec peut-être un peu plus d'ambition, peut-être un peu plus d'organisation, c'est une équipe qui aurait pu aller très, très, très loin.

Dominique Baratelli : On a eu la même chance d'avoir deux grosses équipes dans notre poule. Il y en avait deux qui passaient, trois, il y avait la Hongrie qui était en dehors, et après on était trois avec L'Argentine… C’est pas honteux de perdre contre le pays organisateur et…

Le Podcast des Légendes : Non, bien sûr.

Dominique Baratelli : L'Italie. Mais je pense qu'on pouvait prendre deux points. On aurait pu faire match nul contre l'Italie et faire match nul contre l’Argentine.

Le Podcast des Légendes : La malchance c’est peut-être d'avoir marqué aussitôt.

Dominique Baratelli : Oui, on était un peu déconcentrés. Après on en battant la Hongrie, on aurait eu quatre points, ça aurait été serré. Il y aurait eu trois équipes à quatre points. Voilà.

Le Podcast des Légendes : Ça se serait peut-être joué à la pièce…

Dominique Baratelli : Oui… Bon…

Le Podcast des Légendes : Pardon, juste deux petites questions, pour en revenir à 1982, il y avait, apparemment, ce qu'on a aussi un peu découvert lors de lors de ces podcasts, il n'y avait pas, malgré l'image d'une équipe vraiment en pleine euphorie, super solidaire, etc., il n’y avait pas une super ambiance dans l'équipe, qu’il avait un petit peu deux camps : il y avait un peu le clan Platini…Pardon ?

Dominique Baratelli : Pour 1982 ?

Le Podcast des Légendes : Oui en 1982.

Dominique Baratelli : Ouais, c'est vrai. C'était un peu tendu. Il y a eu des problèmes internes. Enfin, ça, c'est la vie privée des…

Le Podcast des Légendes : Non bien sûr, mais ça a quand même impacté le domaine sportif puisque je crois que Larios n'a pas joué une seule minute par exemple.

Dominique Baratelli : Il a joué le premier, il a joué le premier match, Larios. Il a joué contre l’Angleterre. Mais non mais c'est vrai, après ce match contre l'Angleterre, il y a eu une semaine avant qu’on joue qui a été difficile. C’était la vie d’une équipe ! Et c'est vrai, contre le Koweït, heureusement qu’on a mis 4-0, relancé un peu la machine. C’est vrai que c’était pas…extraordinaire.

Le Podcast des Légendes : Il y a cette histoire que Bossis nous a raconté du gâteau d'anniversaire de Platini et l’absence…

Dominique Baratelli : Oui, c’était…une faute… On oublie. C’est vrai, il n’a pas raconté de bêtises.

Le Podcast des Légendes : Et il y a cette image de toi, alors dis-moi si c'est la vérité, on dit tu que, ça fait partie des nombreuses théories du complot, (je ne sais pas trop comment dire), ou légende urbaine quant à ta participation, que tu es vexé de ne pas être titulaire et du coup, tu ne t’entraînes même pas, tu restes en survêtement ou en costume pendant tout le stage. Est-ce que c'est exact ça ?

Dominique Baratelli : Non, c'est faux ! C’est absolument… En plus, je me suis blessé à la main, j'ai eu un problème à la main. Blessé à la main, en arrêtant un pénalty de Genghini : je me suis tordu le poignet ! Non mais pas du tout, non.

Le Podcast des Légendes : Mais juste pour confirmer, tu te tenais prêt, à la disposition de l'équipe si on faisait appel à toi ?

Dominique Baratelli : Absolument ! On ne joue pas en équipe de France pour être dans les tribunes.

Le Podcast des Légendes : D'accord, je te remercie en tout cas, de ta transparence sur toutes ces questions.

Dominique Baratelli : C’est vieux maintenant. C’est pas le plus important.

Le Podcast des Légendes : Merci beaucoup, en tout cas, Dominique, c’était très agréable, mais Michel a une dernière question.

Le Podcast des Légendes : Oui alors juste deux petites questions : la première Oui, je suis désolé si tu as encore un peu de temps Dominique, je sais qu'on a pris beaucoup de temps. Alors tu es directement responsable de, d'une part des plus belles pages de l'équipe de France, premièrement, mais deuxièmement, tu es responsable de du sacre français en 2018 puisque c'est toi qui découvres Hugo Lloris quand il a 9 ans.

Dominique Baratelli : Absolument. Je l’ai un peu entraîné au début, parce que j'étais un entraîneur des gardiens de but à l’OGC Nice, à l’époque où il y avait Valancony, il y avait Robin Huc, Valancony…

Le Podcast des Légendes : Letizi peut-être, non ?

Dominique Baratelli : Et Grégorini. Et, comme j'étais l’entraîneur des gardiens de but, on peut en fin de saison, on faisait des stages pour toucher les jeunes : on faisait venir tous les jeunes de la région qui voulaient venir. Et on les testait à l'entraînement. Et dans le tas, il y avait Lloris un qui faisait doubler. Mais il avait quelque chose que je n'avais jamais vu chez un gardien de but.

Le Podcast des Légendes : Et donc, tu le fais venir, c'est ça, à 9 ans ?

Dominique Baratelli : Non, il avait un peu plus de 9 ans, je crois. Il était benjamin, pupille, il était pupille à l'époque. Donc les pupilles, c'est 7, oui 9/10 ans à l’époque, 10 ans. Donc après, moi j'ai quitté l’OGC Nice après, un an après j'ai quitté l’OGC Nice. C’est les entraîneurs du club qui l’ont pris en charge, ils l’ont bien préparé. De temps en temps, il y en a un qui me dit : « Tu sais le petit… »

Le Podcast des Légendes : Et tu te dis à l'époque, « ça va être » …Alors je sais après coup c'est difficile à dire, tu sais qu'il a quelque chose en plus. Mais est-ce que tu imagines qu'il va atteindre un tel niveau ?

Dominique Baratelli : Absolument pas. Un gardien qui gagne la coupe du monde, on ne peut pas faire ça à un gosse de 10 ans, non ! Non mais c'est vrai qu'il avait de grosses qualités. J’ai été vraiment surpris de voir : il anticipait bien les choses, il avançait bien sur les frappes. Il était petit, mais c'est pas grave. Donc, non, je ne pensais absolument pas qu’il ferait la carrière qu'il a fait.

Le Podcast des Légendes : Alors autre question Guillaume, si tu me le permets.

Le Podcast des Légendes : Pas vraiment, mais tu as déjà posé sept questions quand tu avais dit deux. Mais il n'y a pas de problème.

Le Podcast des Légendes : Non, non, mais tu as dit dans une interview que c'était pas fatiguant, physiquement d’être gardien de but, mais vraiment que c'était très exigeant psychologiquement. Comment est-ce que, entre les matchs tu, comment est-ce que tu décompressais ?

Dominique Baratelli : J’oubliais tout. Je fais autre chose, je lis, je vais me promener… Donc, à Paris c'était formidable. À Paris, il y a des choses à voir. Et puis voilà, il y a toujours quand même, même quand on est comme ça, il y a toujours une petite…pensée pour le match, pour un autre métier, mais moi j'arrive facilement à couper quand même, même si des fois je suis moins bien, quand on a perdu, que si on avait gagné. Pour durer, il faut se ménager, il faut avoir quelque chose d'autre que le football.

Le Podcast des Légendes : On en a marre des questions de Michel, je ne te cache pas, Dominique, donc je vais reprendre un peu la main sur la dernière question. Est-ce qu'il y a quelque chose, une anecdote ou un sujet que tu n'as jamais dévoilé et que tu veux bien le dire à nous, tes deux meilleurs amis maintenant, Michel et Guillaume ?

Dominique Baratelli : Alors je voudrais peut-être raconter l'histoire de l'anniversaire de Tigana en 1982, mais là… si, j’ai un joueur, on joue en Coupe de France avec Ajaccio. Je ne dirai pas le nom du joueur. On jouait au stade à son stade de Lescar, à Saint-Ouen contre Rennes, en Coupe de France. Et, à la fin du match, on est à 2-2. On rentre sur le terrain et il manquait un joueur. Donc, on le cherche partout En fait, il était sous la douche : 2-2 à l'extérieur. C'est un bon résultat alors qu'on devait jouer les prolongations.

Le Podcast des Légendes : Et il est revenu quand même ?

Dominique Baratelli : Ce jour-là, on a gagné 3-2. Oui, il est revenu après la douche. On a gagné 3-2. C’était la grande équipe de Rennes avec Prouff, l’entraîneur. Voilà.

Le Podcast des Légendes : Pas mal, pas mal. Merci. Dominique, c'était vraiment super !

Dominique Baratelli : Bon, à une prochaine fois !

Michel: Avec grand plaisir! C'était vraiment très, très généreux de ta part cette petite balade dans tes souvenirs footballistiques. Guillaume, le mot de la fin ?

Le Podcast des Légendes : Merci beaucoup, en tout cas et j'ai été ravi de participer. Et je te souhaite un très bon week-end Dominique.

Dominique Baratelli : Merci à vous aussi. Bon week-end aussi. Voilà ! Allez ! Au revoir !

Le Podcast des Légendes : Merci Dominique. Bonne soirée !

Dominique Baratelli : Vous aussi ! Au revoir !

Le Podcast des Légendes : Au revoir !