Aug. 31, 2025

Quand Arsenal donnait la leçon aux Bleus

Quand Arsenal a donné une leçon aux Bleus à Highbury en 1989

En février 1989, l’équipe de France de Michel Platini se prépare à un rendez-vous décisif pour les qualifications de la Coupe du monde 1990 en Écosse. Le sélectionneur tricolore, encore novice dans son rôle, cherche à confronter ses joueurs à l’intensité physique du football britannique. C’est dans ce contexte qu’est organisé un match amical particulier : non pas contre une sélection nationale, mais face à Arsenal, leader du championnat d’Angleterre et club mythique de Highbury.

Contexte : un début poussif pour la France de Platini

À la tête des Bleus depuis 1988, Michel Platini connaît un départ mitigé : victoire étriquée contre la Norvège, nul décevant à Chypre, défaite contre la Yougoslavie. Le chemin vers l’Italie 90 s’annonce semé d’embûches. Pour tester la résistance de son équipe, Platini, épaulé par Gérard Houllier, directeur technique national, bouleverse le calendrier : le match prévu contre la Hongrie est annulé, remplacé par une rencontre contre l’Irlande à Dublin, puis un second test est ajouté à Londres contre Arsenal.

Platini écarte Tottenham, jugé « trop continental ». Arsenal, dirigé par George Graham, incarne mieux, selon lui, le style rugueux de l’Écosse que les Bleus affronteront bientôt en compétition.

Arsenal – France : un accord historique

Les Gunners, leaders de First Division et privés de Coupe d’Europe après le drame du Heysel, acceptent volontiers le défi. Pour George Graham et le vice-président David Dein, accueillir l’équipe de France est à la fois un honneur, un test grandeur nature et une opération médiatique bienvenue.

Mais côté français, la préparation tourne au fiasco : le bus de la délégation se perd dans les rues de Londres et l’équipe manque d’arriver en retard au stade. Sur le plan sportif, Platini doit composer sans plusieurs cadres : Tigana, Battiston et Amoros, retenus par leurs clubs (Bordeaux et Monaco de Wenger), tandis qu’Éric Cantona est suspendu.

La défense est improvisée : Prunier, Bonalair, Kastendeuch et Franck Silvestre. Le milieu repose sur Sauzée, Durand et un jeune Laurent Blanc. En attaque : Jean-Pierre Papin, mal associé à Stéphane Paille, accompagné de Christian Perez.

Le baptême de Thierry Bonalair et William Prunier

Thierry Bonalair, appelé en urgence le jour même, raconte son aventure :
« Je n’ai pas eu le temps de gamberger. De Nîmes, j’ai été appelé à Montpellier, où m’attendait Louis Nicollin à bord d’un avion… » Dans Ouest-France, il avoue aussi ce qu’il a appris ce soir-là : « Avec l’inexpérience qui est la mienne, au moins j’aurai appris ce qu’est la pression britannique. Ces types sont vraiment sur tous les ballons. » Bonalair n'aura hélas jamais l'occasion de revêtir la toison tricolore en match officiel, à la différence de Prunier qui jouera un autre - et dernier - match pour les Bleus contre le Brésil en août 1992 (défaite 0-2).

Le match du 14 février 1989 à Highbury

Devant 22 000 spectateurs, Arsenal impose immédiatement sa puissance physique et son pressing constant. Les Bleus résistent tant bien que mal pendant une heure avant de céder. Martin Hayes ouvre le score, puis Alan Smith double la mise : 2-0 pour les Londoniens.

Jean-Pierre Papin, buteur redouté de l’OM, est muselé. Seul le gardien Joël Bats, en multipliant les arrêts, évite une défaite beaucoup plus lourde.

Les réactions de Michel Platini

Platini refuse de dramatiser et insiste sur la valeur pédagogique du match :
« Le résultat importait peu », explique-t-il dans Le Monde. « J’ai pu étudier le placement de chacun et évaluer les actions. J’ai eu les réponses aux questions que je me posais. »

Mais il reconnaît aussi les limites de son équipe :
« Une fois de plus on n’a pas réussi à garder le ballon. Le résultat, je l’ai dit, importait peu. Là, je n’avais plus d’attaquants. Il n’y a pas eu de balles en profondeur. Résultat : tant que la défense joue héroïquement, ça tient. Mais comme on ne marque pas de but, elle supporte la pression et finit par craquer. »

Conséquences : la France dit adieu à Italia 90

Un mois plus tard, les Bleus s’inclinent à nouveau 2-0, cette fois en match officiel à Hampden Park contre l’Écosse (doublé de Mo Johnston). Cette défaite scelle l’élimination de la France et son absence à la Coupe du monde 1990.

Arsenal vers la légende

Côté Arsenal, ce succès contre les Bleus n’entraîne pas de série immédiate : seulement deux victoires lors des huit rencontres suivantes. Mais la saison 1988-89 restera historique. En mai, à Anfield, les Gunners réalisent l’un des plus grands exploits du football anglais : Michael Thomas inscrit le but du titre dans la dernière minute du dernier match contre Liverpool. Un épilogue mythique qui fait encore partie de la légende d’Arsenal.


Un match oublié, mais révélateur

Le France – Arsenal de février 1989 reste méconnu, mais il symbolise les difficultés du football français de l’époque : une équipe en transition et privée de cadres, malgré des joueurs talentueux et travailleurs.