Laurent Roussey, l’éclair vert aux ailes brisées

Laurent Roussey, l’éclair vert aux ailes brisées

Né à Lyon le 27 décembre 1961, Laurent Roussey est un nom qui évoque à la fois la promesse fulgurante et le parfum de nostalgie. Repéré à seulement 13 ans alors qu’il évolue du côté de Nîmes, il attire l’attention de l’AS Saint-Étienne, club phare du football français des années 70, auréolé de ses exploits européens et de ses titres en série. Le plus grand club de France parie sur ce gamin frêle, rapide et instinctif, convaincu de tenir là un diamant à polir.

Héritier d’un club au sommet

Quand Roussey arrive dans le Forez, l’ASSE est encore sur son nuage. L’épopée de 1976 contre le Bayern, les poteaux carrés, l’aura de Rocheteau, Revelli ou Bathenay : tout cela est encore brûlant. Robert Herbin, l’homme de la maison, est en train de préparer la transition vers une nouvelle génération. Le club veut rester au sommet et se tourne vers la jeunesse.

C’est dans ce contexte qu’en avril 1977, à tout juste 16 ans, Herbin ose lancer Laurent Roussey en Division 1. Le 2 avril, face à Nîmes, il découvre l’élite. Le maillot vert semble immense sur ses épaules encore adolescentes, mais son audace saute aux yeux. Pour quelques mois, il détient même le record du plus jeune joueur aligné en D1 avant d’être dépassé par son ami Laurent Paganelli, autre prodige stéphanois.

Les premiers éclats

Le 21 avril 1978, il entre dans l’histoire : face à Monaco, il inscrit son premier but en Division 1. À 16 ans, trois mois et 26 jours, il devient le deuxième plus jeune buteur de l’histoire du championnat, juste derrière le Lensois Richard Krawczyk. Le Chaudron, toujours en quête de nouveaux héros après Rocheteau et Revelli, se prend d’affection pour ce gosse qui joue sans calcul et marque avec insouciance.

Sa progression est fulgurante. Dès sa première saison complète, il fait parler de lui en Coupe de France, en inscrivant un but contre Sochaux. Puis, à 18 ans, il découvre l’Europe. Saison 1979-80 : Saint-Étienne terrasse le PSV Eindhoven 6-0 à Geoffroy-Guichard. Ce soir-là, Roussey scelle la victoire en marquant le dernier but, sous les acclamations d’un stade incandescent. Un symbole : le gamin de 18 ans est déjà un acteur des grandes soirées européennes.

Confirmation et explosion

La saison suivante, il continue d’enflammer Geoffroy-Guichard. Contre Angers, il inscrit un triplé dans une victoire 5-0. Sa vitesse, sa fougue et son sens du but en font l’un des attaquants les plus excitants de sa génération. Et en 1980-81, tout s’aligne : à 19 ans, il devient un titulaire régulier dans une équipe qui s’appuie désormais sur un maître à jouer : Michel Platini, arrivé de Nancy en 1979. Aux côtés de Platini, de Rep et de ses compères formés au club, Roussey brille. Cette saison-là, les Verts décrochent le titre de champion de France. Lui contribue largement : 36 matches, 12 buts.

La presse est unanime : Roussey incarne l’avenir. On le compare aux grands espoirs européens. Dans un club où la ferveur populaire est unique, il devient l’idole d’une nouvelle génération de supporters.

Le rendez-vous avec les Bleus

La consécration arrive en octobre 1982. Michel Hidalgo, sélectionneur de l’équipe de France, le convoque avec les A. Le 6 octobre, au Parc des Princes, face à la Hongrie, Laurent Roussey vit son rêve : à 21 ans, il est titularisé pour sa première sélection. Et comme un conte de fées, il inscrit l’unique but de la rencontre, offrant la victoire aux Bleus (1-0). La comparaison avec Zinédine Zidane, qui marquera lui aussi pour sa première cape bien plus tard, s’impose d’elle-même. Un mois plus tard, il honore une deuxième sélection contre les Pays-Bas. Mais ce sera la dernière.

La promesse d’un destin contrarié

Car déjà, les blessures commencent à s’accumuler. Les genoux, les chevilles : son corps, sollicité très tôt, réclame un prix trop lourd. « À vingt ans, une grosse blessure à un genou a brisé son élan », écrit Le Parisien. Roussey lui-même confiera plus tard :

« Tu montes très vite, tu es le phénomène, tu te crois le plus fort et d'un coup, le premier problème ralentit la spirale. »

Cette fragilité, ce doute permanent – « Combien de temps cela va-t-il durer ? », se demandait-il – viendront hanter sa carrière. Mais rien n’efface ce début incandescent : gamin prodige lancé à 16 ans, plus jeune buteur de son époque, acteur des grandes soirées européennes, champion de France à 19 ans, buteur décisif pour sa première sélection en Bleu.

Le long déclin d’un prodige

Au total, Laurent Roussey aura disputé 139 matches et inscrit 46 buts avec l’ASSE entre 1977 et 1983, toutes compétitions confondues. Mais usé trop tôt, il finit par quitter le Forez. Direction le Toulouse FC, outsider ambitieux de l’époque. Là-bas, il retrouve son frère Olivier, mais son genou le trahit à nouveau et l’empêche de s’exprimer pleinement. Après deux saisons sans éclat, il est cédé à Toulon, où il retrouve Laurent Paganelli. Mais l’attaque qu’il devait former avec Delio Onnis restera lettre morte : encore une fois, c’est du banc qu’il observe ses coéquipiers.

Il tente un nouveau départ à Alès, mais les douleurs persistent et le club échoue en barrages face à Caen. Roussey part alors en Suisse, au Lausanne-Sport, où il croise un certain Stéphane Chapuisat, futur grand buteur helvétique. Mais l’Helvétie ne lui sourit pas davantage : il revient en France par la petite porte et signe au Red Star, pour un ultime défi. Une nouvelle blessure au genou mettra un terme à sa carrière à seulement 29 ans.

Le constat est cruel, et Roussey lui-même le résume avec lucidité :

« J'aurais préféré être moins précoce et jouer quinze ans en pros. »

Héritage d’un prodige vert

Comme son compère Paganelli, il restera dans l’histoire comme l’un des grands espoirs brisés du football français. Mais son souvenir demeure celui d’un adolescent au maillot vert trop grand, qui fit chavirer Geoffroy-Guichard, marqua en Coupe d’Europe, et, un soir d’octobre 1982, illumina le Parc des Princes.